samedi 19 septembre 2009

Le jour où … j'ai rencontré un ministre



C'était au Bénin.
J'étais en mission à Cotonou, dans le cadre d'un travail coopératif, pour la mise en place d'une étude sur la morbidité et mortalité  maternelles et néonatales au Bénin.
J'avais 30 ans, un air timide, des cheveux bruns raides et longs jusqu'au coude et je pesais 45 kilos. Une dégaine d'adolescente encore.
J'accompagnais une femme médecin aux cheveux grisonnants, responsable du projet en France, qui avait l'âge d'être ma mère.
C'était une expérience professionnelle nouvelle pour moi et la découverte de l'Afrique.
Les images, les odeurs, les bruits sont encore présents dans ma tête, intacts.

Je revois Cotonou, des rues bordées d'avocatiers, des scooters circulant dans tous les sens, le marché aux tissus où les femmes font la loi, des dispensaires dépourvus de médicaments aux carrelages écaillés et à la robinetterie rouillée, le bungalow de l'hôtel fréquenté par d'énormes cafards, des cours d'hôpitaux où les familles des malades préparaient à manger.

Je me rappelle ce visage à la Fernandel qu'avait  un des professeurs de l'hôpital de Cotonou, prénommé Eusèbe.

Et je me souviens de R, médecin et chercheur béninois me criant dans le combiné du téléphone du hall de l'hôtel "alors il paraît que tu as la chiasse, j'espère que demain tu te sentiras mieux". Je n'osais plus traverser le hall de réception après! Je vous le dis le Lariam ça évite peut-être d'attraper le paludisme! mais j'ai cru repeindre la salle de bain du bungalow. Fichtre! ce que j'ai pu être malade: nausées, vomissements, coliques, diarrhées; tout ça à cause d'une éventuelle moustiquette porteuse de palu?

Je revois la longue plage de sable blanc avec ses barques de pêche où les ados jouaient au foot.

Je revois des femmes marchant sur le bord des routes, avec de lourds fagots de bois posés sur la tête.

Je sens encore le contact sur ma peau d'une tenue de médecin stérile (là j'ai des doutes encore).

Je revois un nouveau-né prématuré dans une couveuse qui ne ressemblait à rien de ce que j'avais déjà vu. A-t-il survécu?

Je revois des femmes jambes écartées, allongées sur des tables d'examen disposées à la queue-leu-leu sans rideau de séparation entre chaque box.

J'ai encore le goût de ces boules de pâtes fermentées dont je ne me rappelle plus le nom, mais qui me rendaient encore plus nauséeuse.

J'ai le souvenir d'accueils chaleureux dans les familles.

Je me rappelle les matelas plastifiés des lits d'hôpitaux juste recouverts des boubous colorés des patientes, qui servaient de draps.

Je revois ma surprise lors de la visite du bâtiment "recherche" où un PC (msdos 3) bénificiait de la seule pièce climatisée  à l'hygiène irréprochable.

J'ai encore l'odeur des épices chauffés par le soleil vendus sur le marché faisant frémir mes narines.

 Surtout j'ai encore cette image de la visite organisée dans un ministère.

Je ressens encore le trac, puis un fort malaise à la limite de la peur,  survenu lors du face à face avec Mr le Ministre de l'Enseignement Supérieur.

Dans ce genre de missions, il y a toujours des rencontres avec les autorités.Et il faut être très diplomate lors de son speech devant les représentants du pouvoir. Heureusement ce n'était pas moi qui devais le faire! Je serais peut-être bien restée muette tellement j'étais tétanisée!

Imaginez la scène:

- Un homme grand et imposant en tenue de général debout sur une estrade de 3 marches où trônait son bureau.
(merde je dois dire quoi ???? Mr le Ministre? , mon Général ... pi zut c'est peut-être un colonel ..., j'ai donc attendu que mon ainée habituée à ce genre de situation parle pour faire pareil).
 - Un homme qui portait tellement de décorations sur son uniforme que je me suis demandée comment il enfilait sa chemise!
- Un homme qui n'est pas descendu de son estrade pour nous accueillir et nous saluer.Du haut de mes 1m56, je me suis sentie très mal à l'aise lorsque j'ai dû serrer sa main; j'avais l'impression d'un géant au regard courroucé qui aurait pu faire des miettes de moi.
- Un homme qui a prononcé un discours dans lequel on a bien senti qu'il ne fallait pas qu'on la ramène trop (message reçu, personne ne jouera au "blanc" qui sait tout).

- Moi de plus en plus tremblante, parce que franchement il commençait à me filer les jetons!
- Moi assise sur la moitié d'une fesse dans un fauteuil en cuir noir qui aurait pu accueillir trois "moi" au moment du passage "au salon" .
- Moi articulant tant bien que mal quelques mots lorsqu'il a fallu répondre à deux ou trois questions posées par ce géant noir paraissant dépourvu d'humour.
- Moi ne voyant pas arriver la fin de cette entrevue et égrenant les secondes avant de pouvoir reprendre ma respiration.

Puis enfin l'heure du départ a sonné.
Soulagement.
Ce n'est qu'après plusieurs kilomètres que je me suis sentie libre. Légère. Rassurée.
Ce jour-là j'ai pris un apéro de plus!





1 commentaire:

  1. T'as bien fait ça! :-D Moi j'ai craché dans la bouffe d'un ministre qui se la jouait trop gros! Pis je pissais dans mes culottes quand j'suis sortis de la cuisine pour lui demander si c'était à son goût et qu'il n'a pas daigné me répondre... MOUAHAHAHAHA!!!

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