mardi 9 février 2010

Dédié à Mémé, dite "Mémé Loulou" par son arrière-petit-fils

En sortant de la pharmacie aujourd'hui, j'ai soudain repensé à Mémé: j'ai fait rire tous les vendeurs par quelques remarques, tout comme elle le faisait ... (et quand j'étais gamine j'avais "LA HONTE" parfois à cause de ça).
Mémé est née au XIXème siècle, en 1893, l'année où Jean Jaurès est élu député, où meurt Guy de Maupassant et où est créée la pièce d'identité. Et elle a connu la fameuse crue de 1910, un an avant la naissance de mon père.

C'était donc la mère de mon père. J'en ai peut-être déjà parlé. Lorsque je suis née elle était veuve depuis quelques années déjà. Elle habitait dans la deuxième maison du jardin, construite pour elle ... puisque mes parents ont occupé son pavillon à ma naissance, l'appartement où ils vivaient était devenu trop petit.  Je l'ai donc côtoyée journellement pendant plus de vingt années.
Elle n'a pas eu une jeunesse facile, placée dans des familles parfois lorsqu'elle était enfant, séparée de sa sœur et de son frère par moments, mariée très jeune (peu après le certificat d'études) et mère de famille à 17 ans, 3 ans avant la première guerre mondiale. Elle s'appelait Lucie et le méritait ... elle était rayonnante de vie.
En 1914, elle a dû laisser mon père en nourrice en Normandie pas très loin d'Orbec une petite bourgade où elle avait passé quelques années; il fallait bien qu'elle travaille, le grand-père étant sur les champs de bataille. Elle est restée debout face à l'adversité durant quatre longues années: avoir 20 ans à cette époque n'a pas été une sinécure.
 
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Le grand-père a été chanceux, il n'a pas fait partie des milliers de morts dans les tranchées. Je ne connais que peu de choses sur lui, et j'en ai retenu qu'il n'était pas un marrant! 
Femme et enfant se devaient d'obéir. Mon père qui avait osé exprimer le fait qu'être couturier lui aurait plu, a eu droit à un énorme savon ... et il a suivi le chemin de son père qui était expert comptable: mon père n'a jamais aimé le boulot qu'il faisait. 
Quant à ma grand-mère, elle disait qu'elle avait enfin découvert la "liberté" au décès de mon grand-père. J'en ai déduit qu'il était du genre despote et qu'elle a respiré plus facilement lorsqu'elle s'est retrouvée seule.
Et Mémé avait la bougeotte: elle passait une partie de l'hiver à Nice, prenait l'avion et était toujours prête pour une sortie, une fête, une marche, une journée à la mer ou à la campagne. Je la revois à plus de 80 ans, passer sous des fils barbelés pour pénétrer dans le jardin de la maison de Fontaine (dont ma mère avait hérité de sa grand-mère) un jour où nous avions oublié les clefs au départ de Sannois: elle riait aux éclats devant cette "aventure" qui pimentait un week-end ensoleillé. Elle a fait de la luge pour la première fois à plus de 70 ans et elle a trouvé ça génial!
Même si les derniers temps elle se répétait un peu, elle a gardé une agilité de gamine et une envie de bouger dès que l'occasion se présentait. Une bonne humeur quasi constante et communicative. Toujours dans l'action, curieuse, drôle, dynamique, même si comme tout un chacun elle connaissait des moments de vague à l'âme.
Un jour, alors qu'elle séjournait à Nice elle est tombée malade, a été hospitalisée et opérée d'une occlusion intestinale. Et elle est partie en quelques jours. C'était au début du printemps 1982, elle allait avoir 89 ans. Et elle me manque encore, même si c'est toujours avec un sourire aux lèvres que je pense à elle. Je me dis que si elle était là, elle me boosterait quand je peine à avancer; oui, oui Mémé, je t'entends et je t'écoute et après mon prochain bon repas ... je t'imaginerais en train de t'exclamer avec force et espoir: "Encore un que les Boschs n'auront pas!".
(Et non ce n'est pas une remarque discriminatoire, c'est le vécu de quelqu'un qui a connu deux guerres mondiales et l'occupation allemande; une autre époque, mais toute une histoire).

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